Ce texte aborde le problème de la mise en conformité par rapport à une norme ou à un règlement : comment éviter que cela soit vécu comme une pure contrainte, avec une application irrégulière par la suite et donc des risques de non-conformité ? Comment en faire un enjeu motivant et transformer une contrainte et avantage concurrentiel ?
Ce texte s’applique en particulier aux certifications (voir aussi la démarche fonctionnelle)
Le sujet est repris et détaillé dans les différents livres de l’auteur (cliquer ici)
Se mettre en conformité avec un nouveau règlement ou avec une norme est souvent considéré comme une “catastrophe” et vécu comme un calvaire. D’autres dangers guettent aussi l’entreprise téméraire qui se lance dans cette aventure :
- 1er danger : le rejet par le personnel des contraintes induites. Par exemple, le casque de sécurité sera considéré comme une atteinte à la “virilité” du porteur, et il refusera de le porter par esprit de bravade devant ses collègues. Outre le risque d’accident par lui-même avec ses conséquences humaines, on court alors aussi le risque d’avoir sa responsabilité lourdement engagée.
- 2ème danger : la mise en place d’un formalisme et d’une lourdeur de fonctionnement pénalisants et inutiles dans l’absolu. On connaît bien l’exemple de la mise en conformité des achats par rapport au code des marchés publics, qui peut se traduire par un rallongement des délais de plusieurs mois et la restriction du choix à des fournisseurs plus chers et moins flexibles.
- 3ème danger : l’accroissement des prix de revient de façon injustifiée. C’est la résultante généralement de tous les risques.
Pourtant, en menant bien le changement, on peut souvent le mettre à profit pour améliorer en profondeur l’entreprise. Voyons comment.
Quelques conseils :
1- Commencer par faire le point sur les besoins réels de l’entreprise et examiner en quoi la mise en conformité peut aider utilement : Autant il ne faut pas diviniser un référentiel, qui a été fait pour convenir au plus grand nombre et qui ne convient donc parfaitement à personne, autant il ne faut pas partir du principe que c’est une nouvelle contrainte entièrement inutile (réflexe “latin” courant). Le mieux est d’examiner ce qui est concrètement utile dans le référentiel. On axera alors l’effort sur les progrès réels souhaités (sans d’ailleurs se calquer forcément sur la norme). Par exemple, si on veut que les personnes réduisent les rejets polluants afin de limiter les conflits avec le voisinage, on insistera sur cet aspect lors d’une certification par rapport à l’ISO 9000, même si ce n’en est pas l’objet directement.
2- Minimiser inversement les exigences du référentiel qui sont peu adaptées : il y en a souvent, notamment le formalisme et les précautions excessives compte-tenu des risques réels… Ainsi, nombre de dossiers demandés peuvent être peu utiles, ou du moins mal correspondre aux usages de l’entreprise. Dans ce cas, on les fera “à minima”, en s’efforçant de trouver des solutions qui gênent le moins possible. Si on hésite par peur des non-conformités, le mieux est de recourir à un consultant spécialisé (il faut en choisir un qui a l’esprit “entreprise”…).
L’erreur à ne pas commettre est de rechercher la conformité systématiquement, article par article du référentiel, sans avoir pour repère les besoins réels. Les lourdeurs et dispositions inutiles entraîneront alors un rejet qui rejaillira aussi sur ce qui est utile et sur le reste des travaux.
3- Apporter les évolutions de façon participative avec les acteurs concernés : Les améliorations demandent souvent des évolutions de comportement et de méthodes. Les apporter de façon directive peut créer un rejet qui compliquera la mise en œuvre et fera courir le risque de non-conformités dans le temps. Il vaut bien mieux profiter de l’obligation d’évoluer pour associer le personnel et optimiser avec lui les méthodes à mettre en place. Au lieu de lutter contre les résistances, on peut ainsi au contraire renforcer la cohésion et la motivation.
Ainsi, pour faire porter les casques de sécurité, il serait maladroit de l’imposer tout de go. Le mieux est de commencer par sensibiliser le personnel aux accidents et aux risques, puis d’examiner avec lui comment le port du casque peut être mis en place en prenant en compte les problèmes pratiques. On n’hésitera en particulier pas à prendre en compte les suggestions des acteurs principaux. L’ouvrier qui aurait été fier de ne pas le porter peut alors devenir fier d’avoir eu l’idée et de l’appliquer… Si on s’y prend bien, la concertation peut même être l’occasion de faire discuter les ouvriers entre eux et de renforcer l’esprit d’équipe et l’esprit d’entreprise.
4- Organiser clairement et définir les méthodes de mise en œuvre : une autre pratique à éviter est le “yakafokon” : on laisse les services se débrouiller pour mettre en œuvre. Si rien n’est précisé, il à peu près certain que certains le feront très bien, mais d’autres très mal, et le résultat global sera mauvais. Comme dans le cas précédent, il est bien préférable de profiter de l’obligation pour mieux organiser l’entreprise, en débordant d’ailleurs du champ du référentiel lorsque cela est utile.
De même, la “fameuse” résistance au changement du personnel est surtout liée aux appréhensions devant la perspective d’avoir à réinventer de nouveaux modes de fonctionnement, avec les risques d’erreurs ou d’avoir de nouveaux partenaires difficiles. Si on définit clairement les nouvelles méthodes et si on suit leur mise en œuvre en les adaptant aux problèmes rencontrés, l’entrée en vigueur de la nouvelle organisation sera bien plus rapide et mieux acceptée…
Ainsi, si les déchets doivent être entreposés dans des conteners particuliers, qui doivent eux-mêmes être vidés régulièrement, le processus sera détaillé, toujours en concertation avec les intéressés, puis formalisé par un mode opératoire simple et clair. Puis on suivra jusqu’à ce que les bonnes habitudes soient prises…
5- Faire aussi simple que possible : on a parfois tendance à tomber dans le perfectionnisme et la complexité. Ainsi, le remplissage d’un formulaire paraît anodin lorsqu’il est considéré seul. Mais, replacé dans le contexte et rajouté aux autres travaux journaliers, il peut s’avérer très lourd et constituera alors un handicap. Il faut donc toujours s’évertuer à faire aussi simple et facile que possible. C’est ainsi que les mesures adoptées seront le mieux respectées et le plus productives. N’oublions pas que ce qui est simple est déjà souvent difficile à faire appliquer, alors ce qui est compliqué démultiplie la difficulté…
6- Faire preuve de psychologie et de réalisme : une organisation ne se réduit pas à des procédures écrites mais est avant tout constituée par des hommes et des femmes, avec leur culture, leur tempérament et leurs motivations… Une erreur psychologique peut faire échouer la meilleure organisation théorique. Mettre chacun à sa bonne place, éviter les conflits, respecter une bonne flexibilité, trouver des motivations, rester toujours positif et, surtout, résoudre les problèmes “humains”… sont des règles impératives à suivre pour réussir.
Lorsqu’on respecte ces quelques règles de bon sens, la mise en conformité peut être une réussite. De telles impositions externes peuvent être même très utiles pour provoquer des remises en cause et remédier aux dysfonctionnements. On peut aussi en profiter pour faire bouger toute l’entreprise dans le sens de la stratégie retenue, en mettant en outre en place des mécanismes de suivi et de contrôle.
Mais il faut savoir limiter tout ce qui est inutile ou peu productif, ce qui demande souvent une bonne expertise pour ne pas risquer en même temps d’être non-conforme et d’avoir sa responsabilité engagée…
On peut ainsi transformer la contrainte d’un nouveau référentiel en occasion de progrès.
Christian DOUCET
Une bonne illustration, postérieure à la préparation de ce texte, figure dans un article de l’Usine Nouvelle du 14/04/05, qui citait le cas de l’Usine SCHNEIDER Electric à Beaumont le Roger. Son Directeur, Franck LALLAU, raconte comment son usine a été mise en conformité avec les normes européennes d’environnement (cet article figure aussi dans la revue de presse) :